L'HOMME INVISIBLE (2)

Plus éloignés de Wells

Sans aucun doute, le thème de l'invisibilité combiné à la découverte des effets spéciaux innovants de Fulton, ont inspiré beaucoup de films dérivés, et de plus en plus éloignés, de l'œuvre de Wells.

 

En 1937, dans le film Le couple Invisible (Topper), réalisé par Norman Z. McLeod, un couple de riches héritiers, Marion et Georges Kerby,  (Cary Grant et Constance Bennett )meurt subitement dans un accident de voiture. Leur banquier, Cosmo Topper, se rend compte que la vie est trop courte et souhaite en profiter, mais sa femme, Clara, mégère et intolérante, l'en empêche. Les Kerbys ont besoin d'une bonne action pour rejoindre les cieux, ils tombent sur Cosmo Topper et décident de l'aider à vivre mieux. Ils ont le pouvoir d'être invisible et ne se gênent pas pour en profiter !

 

Le premier a prendre conscience du potentiel du thème de l'invisiblité fut Hal Roach, le producteur attitré de Laurel et Hardy. Il chargea Norman Z.McLeod de la réalisation du film inspiré du roman Topper de Thorne Smith.  Basé sur un scénario aux premiers abords peu captivant, le réalisateur va bénéficier de l'interprétation de Cary Grant et des effets spéciaux de Roy Seawright pour tisser une trame burlesque multipliant les rebondissements, se rapprochant de La vie est belle de Capra. Ce dernier volet clos la trilogie en alliant le thème de l'invisibilité à celui de la maison hantée...

 

Plus proche du fantastique que de la S-F, Topper fut le premier film noir et blanc à être colorisé, en 1985 et donna deux suites et un remake :  Fantômes en croisière (Topper takes a trip, 1939) toujours de Norman Z. McLeod, avec Constance Bennett, Roland Young et Le Retour de Topper (Topper returns, 1941) de Roy Del Ruth, avec Joan Blondell, Roland Young. Ce dernier volet clos la trilogie en alliant le thème de l'invisibilité à celui de la maison hantée...

Le remake sorti en 1979 Topper réalisé par Charles S. Dubin, avec Kate Jackson, Andrew Stevens.  

 

Les futures apparitions de l'homme invisible s'éloignent peu à peu de l'œuvre de Wells. L'invisibilité conduit souvent à la farce mais pose des questions étranges sur le subconscient, sur ce que l'on perçoit mais que l'on ne voit pas. Au risque pour celui qui possède ses dons de perception, de se faire passer pour un fou auprès de son entourage.

 

En 1950, Harvey, mis en scène par Henry Koster, raconte l'histoire de Elwood P.Dowd (James Stewart), qui entretient une étrange amitié avec un lapin géant et invisible de plus de deux mètres (!) Cette relation extra-ordinaire irrite peu à peu la sœur du héros qui se décide à le faire interner. Mais au fil des jours, le pooka (esprit fantôme enfermé dans un corps d'animal géant), va finir par se faire adopter par toute la famille, amenant chacun des membres à ouvrir son esprit sur une réalité souvent trop rigide et dénuée d'imagination. Le film, tiré d'une pièce de Mary Chase, reste un petit chef d'œuvre d'humour et de tolérance.

L'HOMME INVISIBLE VISIBLE PARTOUT

Au Japon!

 

Même l'Empire du soleil levant, adapte de roman dans Tomei Ningen (The Invisible Avenger / Lhomme transparent), film japonais sorti en 1954, et réalisé par Motoyoshi Oda. Produit par les studios Toho, le film est une  adaptation très lointaine du roman d’H.G. Wells. On suit les parcours croisés d’un clown et d’un gang de malfaiteurs, chacun ayant le pouvoir de se rendre invisible grâce à une formule développée par le gouvernement durant la Seconde Guerre Mondiale.

Trois ans plus tard, dans The Invisible Man and the Human Fly (Toumei Ningen to Hae Otoko), réalisé par Mitsuo Murayama et produit par la Daiei, c'est Tokyo qui est terrifiée une série de meurtres mystérieux. Un peu comme dans Le mystère de la chambre jaune, les victimes sont retrouvées avec un couteau planté dans le cœur et le crime est toujours réalisé dans des lieux fermés de l’intérieur. La police découvre que, pour se venger de ceux qui l'ont considéré comme un criminel de guerre, le tueur utilise une invention qui fait rétrécir un homme à la taille d'une mouche. La seule solution est, par le biais d'une technologie futuriste, de rendre un homme invisible pour arrêter le criminel, mais l’effet est irréversible…

 

L' homme invisible au Mexique!

 

Dans le film mexicain de 1957, El Hombre que logro ser invisible, ce sont plus les différentes séquelles que le film original de Whale, qui ont inspiré le réalisateur Alfredo B.Crevenna. Dans cette série Z, le scénariste Julio Alexandro a imaginé un savant utilisant un sérum d'invisibilité pour faire échapper son frère incarcéré. Ce dernier, devenu un monstrueux personnage avec le sérum, se met en tête de conquérir le monde et d'empoisonner l'eau des villes! Le film ne marquera jamais le septième art et reste un sympathique navet.

 

Un autre film mexicain El Enmascarado de Oro contra El Asesino Invisible (1964) met en scène un autre professeur aidé de sa fille qui inventent une machine capable de rendre les gens invisibles. Malheureusement, le savant est assassinée par des malfaiteurs qui se servent de la géniale invention pour commettre des hold-up. Le héros, Le Masque d'Or, saura déjouer les plans sataniques des voleurs dont le chef n'est autre que le fiancé de la fille du savant assassiné. Ultime réutilisation des différents films Universal, le film ne restera pas non plus dans les mémoires!

 

Une aubaine pour les séries Z

 

Dans les années 60, Edward L.Cahn, qui faillit détrôner Ed Wood sur le podium du réalisateur le plus fauché du cinéma S-F américain, réalisa Invisible Invaders, dans lequel des extra-terrestres invisibles déterrent des cadavres pour contrôler les terriens. C'est sans compter sans l'armée (américaine de préférence) qui remettra de l'ordre dans tout ce tohu-bohu. La série B, voire Z s'emparait du genre!

 

 

Après avoir longtemps fureté aux USA, notre homme invisible revient sur notre vieux continent, en Allemagne plus précisément sous la direction de Harald Reinl dans L'invisible Docteur Mabuse (1962). Dans cette énième aventure, le docteur Mabuse s'approprie l'invention du professeur Hyrasmus, un sérum d'invisibilité devenu un instrument pour dominer le monde... hélas sans grand succès. Notre homme(invisible) franchit les Alpes pour se retrouver en pleine vogue des séries Z italiennes : on le retrouve en 1967, dans l'inoubliable Flashman contre les hommes invisibles du célèbre réalisateur italien J.Lee Donan (pseudo). Flashman tente de déjouer les plans sataniques (vous avez vu des plans qui ne l'étaient pas?) d'une bandes de malfrats cambriolant des banques grâce au sérum d'invisibilité dérobé chez un savant. Le fier héros, costumé comme dans un bal avec Cendrillon, viendra à bout des terribles malfrats, ouf!

 

En 1970, la France s'essaie au genre, en montrant une facette encore inexplorée -et inattendue- du personnage, dans La vie amoureuse de l'homme invisible (ou Orloff et l'homme invisible) de Pierre Chevalier. Voguant en pleine libération des mœurs, le Dr Orloff a créé un humanoïde invisible chargé, selon lui, de remplacer la race humaine. Le film s'étend largement sur les tribulations cocasses et les joyeuses galipettes de servantes assaillies par l'homme invisible au prix de zooms nauséeux, propulsant le film sur la fantastique orbite des séries Z.

 

On ne peut terminer ce florilège iconoclaste sans parler de The Amazing Transparent Man (1960) de Edgar G. Ulmer, où il est aussi question de savant utilisant Joe Faust, un cobaye interprété par Douglas Kennedy, pour cambrioler les banques à la barbe des agents de police : encore une merveilleuse découverte scientifique détournée à des fins crapuleuses! Les séries B et Z ont donc utilisé le thème jusqu'à l'épuisement des scénaristes mais aussi, et le plus souvent, du spectateur.

 

L'homme invisible dans le registre comique

 

S'éloignant encore plus du thème du paria tel que Wells l'avait pensé, l'homme invisible a souvent profité de son état pour jouer de multiples farces d'étudiants. Dans Pas vu, pas pris (Now you See Him, Now You don't), réjouissante comédie made in Disneyland, Robert Butler narre les aventures d'un jeune étudiant mettant au point un sérum dont les effets disparaissent au contact de l'eau. Prétexte à une succession de gags (notamment la partie de golf), le film marquait les débuts de Kurt Russel.

 

 

Steve Guttenberg and Lisa Langlois in The Man Who Wasn't There (1983)

 

Autres pochades collégiennes avec The Man who wasn't there (1983) de Bruce Malamuth, où Steve Guttenberg concocte une formule capable de rendre invisible et de s'infiltrer incognito dans les douches de filles, et The Invisible Kid d'Avery Crounse (1987) dans lequel Jay Underwood découvre que la fiente de pigeon mélangée à quelques autres improbables ingrédients, permet de disparaître durant vingt minutes dans des lieux hautement fréquentables! 

 

Citons aussi "Son of the Invisible Man", une des séquences de la comédie à sketchs Cheeseburger Film Sandwich (Amazon Women on the Moon) en 1987 qui parodie le film de James Whale : le fils de l'homme invisible, qui n'a plus tous ses esprits et n'est pas aussi invisible qu'il se l'imagine, se promène nu devant tout le monde, persuadé que personne ne le voit. Il terminera sa courte carrière au poste de police.

Le meilleur revient aux Aventures de l'Homme Invisible du génial John Carpenter, titré sérieusement aux US "Memoirs of an Invisible Man" (1992) . Dans cette fable sur la quête d'identité, Carpenter a su allier la comédie aux gags naturels et non excessifs à une brillante salve contre la société américaine. Halloway (Chevy Chase), écarté d'un système qui ne lui convient pas, profite de son état non pas pour abuser de son pouvoir mais pour accentuer sa perte d'identité et s'isoler encore plus du monde. En fait, il se reconstitue une personnalité qu'il avait perdu dans la masse uniforme de la société américaine. Sans jamais s'inspirer du roman original, Carpenter réalise une belle parabole que Wells n'aurait sans doute pas renié.



FILMOGRAPHIE

 

El hombre que Logro Ser Invisible, Alfredo B.Crevenna, 1958.

 

Los invisibles, Jaime Salvador, 1961.

 

L'invisible Docteur Mabuse (Die Unsichtbaren Krallen des DrMabuse), Harald Reinl, 1962, France-Allemagne-Italie.

 

El Asesino Invisible, René Cardona, 1963.

 

Mr SuperInvisible, Antonio Margheriti, 1964.

 

Le secret de Wilhelm Storitz, Eric Le Hung (Téléfilm), 1967, France.

Ecrit par Claude Santelli. Interprètes : Jean-Claude Drouot d'après le roman de Jules Verne

 

La vie amoureuse de l'homme invisible, Pierre Chevalier, 1970, France.

 

Pas vu, pas pris (Now you see him, Now you don't), Robert Butler, 1972, Etats-Unis.

 

Tchevolek Nevidimka, Alexandre Zakharov, 1984.

 

The Invisible Man In Blind Love, Pascal Vuong, Court Métrage en 3D, 1991.

Ce court métrage fut primé au festival des images de synthèse de Monte Carlo.

 

Les aventures d'un homme invisible (Memoirs of an Invisible Man), John Carpenter, 1992.

Le personnage invisible incarné par le comique américain Chevy Chase, n'apparait qu'au yeux des spectateurs, alors qu'il est invisible pour les autres acteurs!

 

Escape from Atlantis, Strathford, 1997, Etats-Unis.

 

L'homme sans ombre (Hollow man), Paul Verhoeven, 2000.

 



BOUTIQUE SF-STORY


COMMENTAIRES

Note : veuillez remplir les champs marqués d'un *.

*Le hors-champ est la partie de la scène qui n'apparaît pas dans un plan d'un film parce qu'elle n'est pas interceptée par le champ de l'optique de la caméra que ce champ soit invariable (plan fixe), ou variable (plan où la caméra effectue un mouvement (panoramique et/ou travelling) et/ou un zoom).