LE CONTINENT DES HOMMES-POISSONS (1979)

Le continent des hommes poissons réalisé par Sergio Martino, l'un des plus prolifiques et talentueux réalisateur du cinéma bis italien est avant tout une bonne série B... 

Cette production, loin d'être un chef d'oeuvre, tournée dans une ile loin d'être tropicale (merci le fleuriste pour les premiers plans en fleurs exotiques!), offre quelques belles scènes avec un maquillage des ichtyosaures réussis et une maquette de cité d'Atlantide enfouie au fond des océans qui fait le boulot (merci au chef décorateur Antonello Geleng). Barbara Bach est magnifiquement filmée, les méchants Richard Johnson (Edmond Rackham) et Beryl Cunningham (Shakira) sont vicieux à souhait et le héros Claudio Cassinelli (Lt. Claude de Ross) est un naufragé défenseur de la belle illoise crédible. On est souvent entre L'ile mystérieuse du  capitaine Nemo et l'ile du Dr Moreau mais cela reste un bon film issu du cinéma bis italien dans son apogée. Bref des spaghettis aux fruits de mer délicieusement surannés.

Cinéma d'exploitation

Le continent des hommes poissons est le fruit - de la pêche?- d'un maitre artisan du cinéma d'exploitation italien : Sergio Martino. Le genre surfant sur les succès de productions américaines, d'un budget plus conséquent, sorti quelques mois plutôt : ici, le film est une tentative opportuniste d'imiter L'Ile du Docteur Moreau, roman de H.G Wells, dont une nouvelle version signée Don Taylor (le réalisateur des " Evadés de la Planète des singes) est sorti quelques mois auparavant.

Sergio Martino est le petit fils de Gennaro Righelli, pionnier du cinéma italien, décédé en 1949, qui réalisera le premier film parlant italien, La Canzone dell'amore. Son petit fils suit ses traces, d'abord sur les plateaux de tournage, puis derrière la caméra. Il surfe sur les genres sans prédilection :  le thriller avec L'Alliance invisible (1972) avec son actrice de prédilection Edwige Fenech, la science-fiction avec 2019, Après la Chute de New York (1983), ou Atomic Cyborg (1986) sous le pseudonyme de Marin Dolman, le giallo et l'horreur avec Crime au cimetière étrusque (1982) mais aussi la comédie (Mademoiselle Cuisses Longues).

Fin des années 60, il réalise même deux documentaires érotiques Tous les vices du monde (1969) et L' Amérique à nu (1971) , dans la veine Mondo - des docs proposant sur un montage d'archives et sur un thème racoleur d'assouvir le voyeurisme de spectateurs en mal de bizarreries, de sexe ou de violence, dont Mondo Cane réalisé en 1962 par Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi à ouvert le bal de ce côté des Alpes. 

Mais que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première pierre!

La suite

La plupart des films du cinéma d'exploitation italien étaient pré-vendus à l'étranger, leur permettant de bénéficier d'une rentabilité très forte, compte-tenu de leur faible budget : Le continent des hommes poissons s'intègre dans une pseudo- trilogie de films d'aventures exotico-fantastiques, incluant La Montagne du dieu cannibale (1978) et Le Grand Alligator (1979), exploité en France en vidéo sous le nom de Dieu Alligator. Ces films très rentables participèrent au succès de ce film de genre qui fera les belles heures des vidéo-clubs dans les années 80.

Durant la décennie suivante, Sergio Martino multipliera les réalisations pour la télévision italienne alors en pleine expansion sous l'ère Berlusconi. Le Continent des hommes-poissons sera suivi, 16 ans plus tard, en 1995, par le téléfilm La Reine des hommes-poissons. Dans cette suite tardive, tournée en République dominicaine, qui pioche allègrement dans les scènes tirées du film précédent,  deux adolescents rencontrent par hasard Socrate alors qu'ils ont fui leur ville, saccagés par les barbares. L'homme les guide sur une petite île tropicale gouvernée par une reine aussi belle que malveillante, qui se sert d'un groupe d'hommes-poissons pour terroriser la population.

La version alternative américaine...

Alors que le tournage original 'est déroulé à Alghero, dans la grotte de Neptune au cap Caccia et à Rome pour les intérieurs, la version US, jamais diffusée en France, comporte non seulement de nouvelles scènes d'ouverture tournée dans les grottes Bronson situées dans le parc Griffith près de Los Angeles en Californie, mais aussi une modification de la bande son, notamment des sons de respiration pour donner au film une plus grande tension.

Le doublage a été refait en grande partie, la voix de Claudio Cassinelli ayant été remplacée par celle d'un acteur américain (Cassinelli s'était doublé lui-même en anglais dans la version internationale originale du film, laissant son personnage avec un accent italien) et une nouvelle partition a été composée par Sandy Berman. 

...devient Screamers.

Malgré cela, le film sort aux USA -avec difficulté et un accueil plus que mitigé- sous le titre "Something Waits In The Dark" (Quelque chose attend dans l'obscurité). Le futur réalisateur - puis responsable de la publicité et du marketing pour New World Pictures - Jim Wynorski  (spécialiste du film d'exploitation à petit budget comme Ghoulies 4 ou La Créature du lagon : Le Retour) , propose un changement de titre et de slogan, et fait réaliser des tournages supplémentaires, soit 15 minutes de nouvelles séquences, dont 12 minutes pour l'ouverture, avec des acteurs américains : Mel Ferrer, Jim Alquist, Eunice Bolt, Tom J. Delaney et Cameron Mitchell pour Le film est distribué cette fois sous le nom de "Screamers"", titre beaucoup plus accrocheur mais ne reflétant pas le propos du long métrage. 

Accompagné d'une campagne de marketing et d'une nouvelle bande-annonce montrant des scènes non visibles dans le montage final le film provoqua une émeute des clients d'un drive-in mécontents d'avoir été induits en erreur ! Le distributeur New World Pictures fut contraint d'insérer les séquences de la bande-annonce dans toutes les copies existantes qu'elle distribuait. Comme la séquence n'a jamais été insérée dans la copie négative du film, la version vidéo ne contient pas cette scène.

Video nasty

Plusieurs films du cinéma d'exploitation italien ont été considérés comme "Video nasty" , terme popularisé par la National Viewers' and Listeners' Association (NVALA) au Royaume-Uni pour désigner un certain nombre de films, généralement des films d'horreur ou d'exploitation à petit budget, distribués sur cassette vidéo et critiqués pour leur contenu violent par la presse par des associations ou des organisations religieuses au début des années 1980. Ces vidéos n'ont pas été soumises à l'organisme du British Board of Film Classification (BBFC) en raison d'une lacune dans les lois sur la classification des films qui permettait aux vidéos de contourner le processus de contrôle. Certains films classés video nasty étaient ainsi soit coupés des scènes jugées violentes ou totalement censurés. Dans la vidéo britannique du film, le film a été amputé de 9 minutes pour tenir sur une cassette vidéo de 90 minutes (!) : on n'y voit pas les scènes où José découvre le vaisseau souterrain et est assommé par les hommes de main de Rackham, ni celles où Claude est battu, nourri de force avec une potion vaudou et victime d'un cauchemar.

Sens dessus dessous

Le dessin du sous-marin "Turtle" (tortue), l'un des premiers sous-marin de poche, inventé en 1775 par David Bushnell et vu dans un scène accroché au mur de la chambre du professeur, est suspendu à l'envers.

Le Continent des hommes poissons (L'isola degli uomini pesce), Sergio Martino, 1979, Italie.

Son : Mono. Format d'image : 2.35.

Réalisateur : Sergio Martino. Durées : 1h40min( (version italienne et française), 1h33 (Suède), 1h21min (US), 1h25 (Allemagne de l'est), 1h 39min (Finlande).

Productions : Dania Film, Medusa Distribuzione.

Distribution France : Les Films Jacques Leitienne.

Producteurs : Luciano Martino, Roger Corman (distributeur US)

Scénario : Sergio Donati, Cesare Frugoni, Sergio Martino, d'après une histoire de  Cesare Frugoni , Luciano Martino, d'après le roman 

"Le Cauchemar d'Innsmouth / The Shadow Over Innsmouth" de H.P. Lovecraft(non-crédité).

Effets spéciaux : C. Malugani, G.Gianese, Rocchetti e Carboni.

Directeur de la photographie :  Giancarlo Ferrando.

Montage : Eugenio Alabiso

Direction artistique : Massimo Antonello Geleng.

Musique : Luciano Michelini.

Costumes : Maria Rosaria Crimi.

Interprètes :  Barbara Bach (Amanda Marvin), Claudio Cassinelli (Lt. Claude de Ross), Richard Johnson (Edmond Rackham), Beryl Cunningham (Shakira), Joseph Cotten (Professeur. Ernest Marvin), Franco Javarone (José), Roberto Posse (Peter), Giuseppe Castellano (Skip), Franco Mazzieri(François). 

Date de sortie française : 28 Février 1979.

Date de sortie italienne : 18 Janvier 1979.

Date de sortie US :  26 Juin 1981.

Budget estimé :