LES LINCEULS (2024)

Avec Les Linceuls, David Cronenberg poursuit son exploration des corps et des technologies, mais le résultat laisse une impression d’inabouti, comme si le cinéaste s’était perdu dans ses propres obsessions. Vincent Cassel, chevelure argentée et démarche raide, ressemble à un double fantomatique de Cronenberg lui-même, incarnant Karsh, inventeur d’un dispositif permettant d’observer en direct la décomposition des morts. Une idée fascinante, qui convoque à la fois le voyeurisme clinique de Crash (regarder la douleur et la chair comme un spectacle) et l’obsession morbide de Videodrome (écran et corps fusionnant).

Mais ici, la mécanique s’enraye. Le film multiplie les imbrications scénaristiques – jalousie conjugale, complot chinois, deuil non résolu – jusqu’à frôler la surcharge. L’intelligence artificielle, censée être un pivot narratif, n’est qu’un gadget visuel pauvre, bien loin de l’imagerie organique et dérangeante de eXistenZ. Même les théories du complot paraissent plaquées, là où Scanners ou La Mouche savaient condenser paranoïa et mutation dans une seule métaphore puissante.

Reste Diane Kruger, troublante dans son double rôle, à la fois épouse amputée et sœur ambiguë, incarnation d’un désir morbide et de l’inéluctable dégradation du corps. Un motif central chez Cronenberg, mais qui ici peine à trouver sa force dramatique. Le thème de la jalousie, pourtant fertile, se dilue dans la mécanique du récit. Quant au dispositif voyeuriste, il finit par se retourner contre Karsh : il observe les morts, mais il est lui-même observé, enfermé dans une maison transparente. Là encore, une idée brillante qui manque de chair.

Les Linceuls n’est pas un échec, mais une œuvre frustrante. Comme si Cronenberg, après avoir dit l’essentiel sur le corps, la technologie et la mort, ne parvenait plus qu’à répéter ses motifs en moins percutants. L’ombre des grands films plane, mais leur intensité manque cruellement.

Un film autobiographique

Dernier film du réalisateur canadien David Cronenberg, Les linceuls / The Shrouds est en projet depuis mai 2022 avec Vincent Cassel dans l'un des rôles principaux. L'acteur tourne ainsi pour la troisième fois avec le réalisateur, après Les Promesses de l'ombre (2007) et A Dangerous Method (2011),

En septembre 2022, le réalisateur précise des détails sur la distribution et le tournage  lors d'une conférence de presse au festival international du film de San Sebastian, où il recevait pour l'occasion le prix honorifique Donostia du festival, en indiquant que Léa Seydoux serait aux côtés de Vincent Cassel. A cette occasion ,le réalisateur indiquait que le film : "...est un projet très personnel pour moi. Les gens qui me connaissent sauront quelles parties sont autobiographiques".

Moins dans le style body horror cher au cinéaste, ce nouveau film sombrement intitulé Les linceuls (funéraires) a pour sujet les suaires qui enveloppent les morts. Coïncidence, le film est présenté dans la programmation à Cannes 2024, aux côtés de Demi Moore et Margaret Qualley à l'affiche de The Substance, presque plus Cronenbergien que ces Linceuls !

Karsh, un homme d’affaires reconnu a atteint la cinquantaine mais inconsolable depuis le décès de son épouse, il invente une nouvelle technologie permettant de se connecter aux morts via des linceuls digitaux, sorte de Big Brother pour les morts. Une nuit, plusieurs tombes, dont celle de sa femme, sont vandalisées. Karsh se met alors en quête des coupables. Diane Kruger (Troie, Inglorious Bastards) qui a remplacée Léa Seydoux au casting,  incarne trois personnages : l'épouse défunte de Karsh, sa jumelle et un avatar.  

Les Linceuls est produit par une nouvelle branche de l'entreprise Yves Saint Laurent, destinée à la production de films, dirigée par Anthony Vaccarello, le directeur artistique de la marque de luxe. Le tournage s'est déroulé du 8 mai au 30 juin 2023 à Toronto, dans la ville natale du réalisateur.

Les Linceuls (The Shrouds), 2025, David Cronenberg, France / Canada.

Autre titre : NC.

Son : Dolby Digital. Format d'image : 1.85.

Réalisateurs : David Cronenberg. Durée : 1h59.

Productions : SBS Productions, Prospero Pictures, Saint Laurent, en association avec : Crave, Sphere Films, Canadian Broadcasting Corporation (CBC), avec la participation de : Eurimages, Ontario Creates, Orange Cinéma Séries, Téléfilm Canada, et le support de 

Canal+ et du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC).

Distribution France : Pyramide Distribution.

Producteurs : Saïd Ben Saïd, Martin Katz, Anthony Vaccarello.

Co-producteurs : Marieke Tricoire.

Producteur exécutifs : Kevin Chneiweiss, Marieke Tricoire.

Scénario : 

Directeur de la photographie : Douglas Koch.

Direction artistique : Jason Clarke.

Chef décorateur : Carol Spier.

Décorateur plateau : 

Effets spéciaux (sociétés) : 

Montage : Christopher Donaldson.

Musique : Howard Shore.

Casting : Deirdre Bowen.

Costumes : Anne Dixon.

Interprètes : Vincent Cassel (Karsh), Diane Kruger (Becca Relikh / Terry Gelernt / Hunny), Guy Pearce (Maury), Sandrine Holt (Soo-Min), Elizabeth Saunders (Gray Foner), Jennifer Dale (Myrna Shovlin), Eric Weinthal (Dr. Hofstra), Jeff Yung (Dr. Rory Zhao), Ingvar Sigurdsson (Elvar), Vieslav Krystyan (Karoly Szabo), Matt Willis (Muscle), Steve Switzman (Dr. Jerry Eckler)…

Date de sortie française : 30 Avril 2025. Présenté au Festival de Cannes le 20 Mai 2024.

Date de sortie US : 25 Avril 2025.

Budget estimé : NC.