Los, un ingénieur russe travaille depuis plusieurs mois sur un projet de fusée qui pourrait le propulser jusqu'à Mars. Au centre de recherche à Moscou, on reçoit un mystérieux signal : " Anta… Odeli… Uta… ". Sans aucun doute, il s'agit d'un message venu de la planète rouge.
En Russie, le socialisme se construit péniblement dans un pays où règne encore misère et pauvreté... alors que Los se prend à rêver de jours meilleurs et pourquoi pas sur la planète rouge! D'autant qu'Aelita, la belle princesse martienne, à qui on a fait découvrir une invention capable d'observer les terriens, s'est éprise de cet ingénieur fascinant.
Revenu aux côtés de sa femme qui travaille à la distribution de produits aux plus nécessiteux, Los découvre qu'un individu louche s'est installé dans son immeuble. Cet ancien partisan de l'ancien régime lui fait l'affront de faire la cour à sa femme qui n'est pas insensible au charme hâbleur du voisin.
Dans une crise de jalousie, Los tue sa femme et n'a plus qu'une seule issue : s'enfuir de la Terre à bord de son vaisseau spatial.
Aux côtés d'un héros de l'armée rouge en mal de médailles et d'un policier à sa poursuite, il s'envole pour Mars...
Aelita est considéré comme le premier long métrage de science-fiction. Lui succédera en 1925, un deuxième film "Le Rayon de la mort" de Lev Koulechov, lui aussi produit dans cette Russie allait devenir la future URSS.
Le réalisateur d'Aelita, Yakov Protazanov est de retour en Russie en 1923, après avoir émigré en France à Paris, puis en Allemagne lorsque la production cinématographique russe est nationalisée. En exil, il réalisera de nombreux films mais en 1923, les tensions en Russie se sont apaisées, il est pour lui temps de revenir dans son pays natal. L'industrie cinématographique est scindée entre public et privé.
Le film est produit par la section cinématographique russe du secours Ouvrier International, le studio Mezhrabpom, nom porté par la société de production et de distribution de films moscovite Gorki Film Studio entre 1924 et 1928.
Aelita est, dès sa production, conçu comme un "blockbuster" à gros budget capable de rivaliser avec des productions américaines qui sont diffusées à l'époque dans les cinémas russes. L'histoire est une adaptation très libre du roman d'Alexis Nikolaïevitch Tolstoï : "Aelita (le Coucher de Mars)", publié en 1923. Les costumes exubérants sont réalisés par Alexandra Exter, artiste ukrainienne de l'avant-garde et les décors sont l'oeuvre du peintre expressionniste Issac Rabinovitch. Ces décors serviront de référence aux conceptions artistiques de la planète Mongo dans le Flash Gordon (1936) de Frederick Stephani et Ray Taylor.
A sa sortie, le film est un immense succès public : le prénom de la princesse martienne est donné à de nombreux nouveaux-nés. La critique lui reproche un manque d'ampleur dans la critique satirique de certains aspects de la société capitaliste occidentale, symbolisée par la planète Mars.
Protazanov égratigne aussi la bourgeoisie installée regrettant une époque révolue clamant haut et fort "c'était mieux avant!". Le capitalisme martien avec ses castes des "Aînés" et des travailleurs vivants dans les bas-fonds de la cité est montrée comme une société aliénante (les surplus de population y sont gelés en attendant des jours meilleurs) en opposition lors du retour sur Terre, ou plutôt en Russie, considérée comme terre bénie où l'homme peut enfin s'épanouir.
On reprochera aujourd'hui la longueur du film, les parenthèses obsolètes des scènes avec la femme de l'ingénieur et son courtisan, le manque d'effets spéciaux : point de scène de décollage de fusée ou de retour sur Terre digne de ce nom, du laboratoire limité à quelques cadrans sur un pupitre au lointain. Aelita, au-delà de ses limites scénaristiques ou visuelles, reste une pierre marquante du cinéma de science-fiction, préfigurant des œuvres majeures comme Metropolis quelques années plus tard, qui en reprend la thématique principale ici édulcorée : l'organisation d'une société basée sur la hiérarchie des castes et des rebellions qu'elle peut engendrer.
Aelita sera présentée Hors compétition Festival international du film fantastique d'Avoriaz 1973.
Alexandra Ester
La costumière du film a reçu la médaille d’or à Paris à l’Exposition des Arts Déco pour Aelita. Cette année là, elle décide rester à Paris, elle y restera jusqu'à la fin de ses jours.
Aelita (Aelita), 1924, Yakov Protazanov, Union soviétique, Noir et Blanc, Muet.
Autres titres : Aelita : Queen of Mars, Revolt of the Robots (titre russe).
Réalisateur : Yakov Protazanov.
Durée : 1h50.
Sociétés de production : Mezhrabpom-Russ.
Distributeurs : Film Arts Guild.
Scénario : Yakov Protazanov, Aleksei Fajko, Fyodor Otsep, d'après une nouvelle d'Aleksei Tolstoy.
Directeur de la photographie : Emil Schünemann, Yuri Zhelyabuzhsky.
Décorateur : Isaak Rabinovich..
Direction artistique : Sergei Kozlovsky, V. Simonov.
Maquillages : N. Sorokin. Costumes : Alexandra Exter.
Musique : Alexander Rannie basée sur des thêmes de Prokofiev.
Interprètes : Yuliya Solntseva (la reine Aelita), Igor Ilyinsky (Kravtsov), Nikolai Tsereteli (Les deux ingénieurs : Los et Spiridinov), Nikolai Batalov (le soldat héroïque Gusev), Vera Orlova (l'infirmière Marsha, fiancée de Gusev), Valentina Kuindzhi (Natasha Los), Pavel Pol (Ehrlich), Konstantin Eggert (Tuskub, le roi de Mars), Yuri Zavadsky (Gor, le gardien de l'énergie), Aleksandra Peregonets (Ihoshka, la servante d'Aelita), N. Tretyakova (Yelena Ehrlich), Sofya Levitina, Varvara Massalitinova, Mikhail Zharov, Tamara Adelheim, Iosif Tolchanov...
*Le hors-champ est la partie de la scène qui n'apparaît pas dans un plan d'un film parce qu'elle n'est pas interceptée par le champ de l'optique de la caméra que ce champ soit invariable (plan fixe), ou variable (plan où la caméra effectue un mouvement (panoramique et/ou travelling) et/ou un zoom).
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