LE GOLEM (1920)

L'histoire

Au 16e siècle, à Prague, un rabbin crée le Golem, une créature géante faite d'argile. Grâce à la sorcellerie, il donne vie à la créature afin de protéger les Juifs de Prague des persécutions de l'empereur Rodolphe II.


L'AVIS DE SF-STORY***

POINTS POSITIFS ET NEGATIFS

+  Le Golem est aujourd'hui reconnu comme un chef-d'œuvre du cinéma expressionniste allemand.

 

 

HORS-CHAMP*

Le Golem est aujourd'hui reconnu comme un chef-d'œuvre du cinéma expressionniste allemand mais dès sa sortie le film a été salué pour son esthétique gothique et son utilisation novatrice des effets visuels, notamment dans la scène ou le Rabbin Loew invoque Astaroth pour la création du Golem ou lors de la vision de l'exode du peuple juif. Dans la Prague médiévale, un rabbin crée une créature de glaise, le Golem, pour protéger la communauté juive de la persécution de l'empereur qui les juge indésirables et souhaite les expulser hors de la cité. Nous sommes en 1920 mais la prémonition annoncée par les étoiles  au début du film résonne en écho avec le génocide qui sera perpétué 20 ans plus tard par le régime nazi.

Visuellement, le film impressionne par ses décors urbains déformés, ses effets dramatiques lors de la création du Golem, et son atmosphère onirique. La direction artistique, notamment la conception du ghetto juif de Prague, a influencé de nombreux films de genre par la suite. Le travail de Karl Freund à la photographie, qui capture l'opposition entre la lumière et l'ombre et occultant certaines parties de la scène par des caches, génère un sentiment de mystère et de malaise.

Bien que le film ait un rythme lent et le monstre une relative passivité, Le Golem peut être apprécié pour ses qualités visuelles et symboliques. Même si l'oeuvre peut renforcer des stéréotypes liés à l'alchimie et à la magie juive, la plaçant dans une position ambivalente vis-à-vis de l'antisémitisme croissant de l'époque.

Le Golem ainsi érigé s'apparente à une arme de dissuasion qui comme toute invention moderne peut se retourner contre son créateur. Elle peut aussi être la figure prérobotique, le mot de dieu pouvant symboliser une pile énergétique destinée à mouvoir la créature et à lui donner une conscience relative.

 

Le Golem est une œuvre fondatrice du cinéma d'horreur, Des films comme Le cabinet du Docteur Caligari (1926) de Robert Wiene, Nosferatu, le vampire (1921), Faust (1926) de F.W Murnau et Metropolis (1927) de Fritz Lang prolongeront la vague de l'expressionnisme allemand,  influençant par la suite des réalisateurs plus contemporains comme Tim Burton et Guillermo del Toro. Le Frankenstein de James Whale empruntera la magistrale et poétique scène finale du Golem pour une séquence quasi similaire.

Le Golem, figure mystique juive

 

Le golem est une figure issue de la mystique juive et des légendes populaires d'Europe centrale, particulièrement dans le folklore de la communauté juive ashkénaze. Traditionnellement, le golem est un être artificiel (humanoïde ou animal) créé à partir de matière inerte, souvent de l'argile ou de la terre, et animé par des rites ou des prières kabbalistiques. La légende la plus célèbre, dont est tirée le film Le Golem, est celle du Rabbin Loew de Prague, qui aurait créé un golem au XVIe siècle pour protéger la communauté juive des persécutions.

 

Dans la tradition kabbalistique, le golem est un être imparfait, dépourvu de parole, qui n’a pas d’âme et obéit aveuglément à son créateur. On lui attribue parfois un rôle de serviteur ou de protecteur, mais il peut aussi devenir incontrôlable et représenter un danger, car son manque de conscience et de libre arbitre le rend capable d'actes de destruction. Pour l'animer, les récits parlent de l'utilisation de mots sacrés inscrits sur son front ou d’un parchemin placé dans sa bouche, souvent portant l'inscription « Emeth » (vérité en hébreu). En effaçant la première lettre, formant « Meth » (mort), le créateur désactive le golem. 

Un mythe fédérateur 

 

Symboliquement, le golem représente plusieurs concepts. Il peut illustrer les dangers du pouvoir sans contrôle ou de la création incontrôlée. Certains voient dans le golem une métaphore de l'altérité ou de la subordination dans un contexte de marginalisation, comme celle subie par les juifs dans l'Europe médiévale. Dans la culture moderne, le golem est souvent cité comme une figure de science-fiction, associée à des récits sur l'intelligence artificielle ou les créatures fabriquées par l’homme, explorant les limites entre créateur et création. Il préfigure incontestablement la création du robot.

 

Le mythe du golem a largement influencé la culture populaire, avec des références dans la littérature, le cinéma et les jeux vidéo, notamment dans des œuvres comme Frankenstein de Mary Shelley, publié en 1818, ou le roman éponyme de Gustav Meyrink qui connaît un grand succès en partie dû aux aux illustrations de Hugo Steiner-Prag, qui mettent en valeur les moments sinistres et magiques du roman. Plus récemment ce sont les univers de super-héros et de fantasy qui y ont puisé leurs sources.

 

Paul Wegener est le Golem

 

Le Golem est en fait le dernier film d'une trilogie consacré à la figure mythique. Le comédien allemand Paul Wegener avait dès la sortie du roman compris le potentiel dramatique de la créature.  Paul Wegener est en 1914, acteur de théâtre chez Max Reinhardt, il va adapter le texte par trois fois au cinéma. Il a l'idée de faire le premier film sur le Golem après avoir entendu la légende originale racontée à Prague, où il a passé quelque temps pour tourner L'étudiant de Prague (1913). Insatisfait de son premier film de 1915, il décide d'en faire deux autres. Malheureusement les deux premières versions restent invisibles ; Le Golem (1915) est partielle et l’autre, Le Golem et la Danseuse / Der Golem und die Tänzerin (1917 ) est définitivement perdue. Pour ce deuxième film, il ne s'agissait pas d'un film d'horreur, mais plutôt d'une comédie. Paul Wegener y reprenait le costume du Golem, alors que Lyda Salmonova, déjà présente dans le premier, jouait la danseuse qui était en fait une prostituée.

 

Mais c'est la version de 1920 qui satisfait le plus Paul Wegener, il déclarait à ce propos :  « C’est avec ce film que j’ai pénétré dans le domaine du cinéma pur. Tout y dépend de l’image, d’un certain flou où le monde fantastique du passé rejoint le monde du présent. »

Cette version s'attache à revenir aux origines du mythe comme l'indique le titre complet original que l'on traduit : Le Golem : comment il vint au monde. Le succès du film est mondial, le film utilise des effets spéciaux novateurs, la création du personnage du Golem et son esthétique gothique et son utilisation novatrice des effets visuels.

Des décors dantesques

 

Le film doit beaucoup aux somptueux décors créés par l'architecte et scénographe Hans Poelzig pour le ghetto juif de Prague. Ce sont 54 bâtiments qui sont construits dans les studios Berliner Union-Film de Berlin, en bois recouverts de papier mâché et de glaise, reprenant les ingrédients créatifs du Golem. L'ensemble des constructions présente un labyrinthe organique de ruelles étroites et d'escaliers à colimaçon, autour de hautes maisons biscornues aux toits pointus figurant le sentiment de persécution et de repli sur soi de la communauté juive. 

Le Golem au cinéma

 

Plusieurs films utilisent le thème du Golem présent dans le roman qui connaît un succès immédiat mais s'éloignent du roman originel :  le premier la même année : Le Golem (1915), film muet de Paul Wegener et Henrik Galeen, malheureusement le film est considéré perdu), Le Golem et la danseuse (1917), film muet de Rochus Gliese et Paul Wegener (lui aussi disparu), Alraune und der golem (1919) de Nils Olaf Chrisander, puis Le Golem (1920) de  Paul Wegener et Carl Boese ici présenté, Le Golem (1936), une version française de Julien Duvivier, Le Golem / The Emperor and the Golem (1952), de Martin Frič, tournant plutot vers la sature et la comédie...

 

Il faut aussi noter une adaptation française trés fidèle au roman, diffusée sur la première chaine de l'ORTF le 18 Février 1967 : Le Golem de Jean Kerchbron.

La figure robotique

 

Le costume, lui donnant l'aspect d'un mastodonte robotique à la coiffe caractéristique, est l'œuvre du sculpteur allemand Rudolf Belling, qui travaillait beaucoup pour le metteur en scène Max Reinhardt, ami proche de Wegener. Le costume avait été réalisé à l'origine pour le premier film de Wegener sur le Golem, en 1915. Belling créa par la suite dans sa carrière plusieurs sculptures représentant des figures abstraites proches de la forme robotique.

Le rapprochement avec le Golem sera réalisé par les frères Čapek, eux-mêmes hongrois, lorsqu'ils  inventent pour la première fois dans la pièce de théâtre de science-fiction R. U. R. en 1920, sous-titre en anglais du titre tchèque Rossumovi univerzální roboti, à partir du mot tchèque robota, qui signifie « travail » ou « servage » : Le Golem est un robot avant l'heure.

 

Une exposition au musée du Judaïsme à Paris en 2017 révélait ainsi les liens entre Golem et Robot. Elle présentait  ainsi qu'un des livres des frères Čapek intitulé "Umělý člověk" (L’homme artificiel) – dans lequel ses auteurs dressent une véritable histoire de l’homme artificiel à travers les âges. Ils partaient d’Adam qui est le premier Golem, puisque la première fois que le mot Golem a été utilisé, c’était pour parler d’Adam (la première occurrence du terme golem apparaît dans la Bible dans les Psaumes 139:16), mais dans ce livre ils citent  aussi des soldats durant la Première Guerre mondiale, des hommes qui ont des prothèses et aussi des robots. Ils font vraiment un lien entre le Golem et le robot.

 

L'exposition présentait aussi le premier ordinateur israélien en service qui a été aussi appelé "Golem 1",

 

Le Golem dans Dungeons & Dragons / Minecraft / Final Fantasy et Pokémon

Le Golem dans les jeux vidéo

 

Le Golem a eu une influence notable sur de nombreux jeux vidéo, notamment en tant qu'entité créée par des moyens mystiques ou alchimiques pour accomplir des tâches spécifiques. Dans le jeux de rôle Dungeons & Dragons, les golems sont souvent représentés comme des créatures de protection ou des automates dépourvus de conscience. Cette figure apparaît sous plusieurs formes (argile, chair, fer, etc.), inspirée par la tradition juive mais adaptée aux besoins narratifs du jeu.

L'influence du golem s'étend également à des franchises populaires comme Minecraft, qui inclut différents types de golems tels que les golems de fer et de neige. Ces créatures, bien que simples dans leur conception, protègent les joueurs et les villages. Dans Final Fantasy, les golems sont des personnages récurrents, souvent invulnérables et puissants, reflétant leur rôle de protecteur implacable dans le folklore : le mot Emeth est d'ailleurs visible sur son bras..

Le concept du golem apparaît également dans la série Pokémon, avec des créatures comme Golett et Golurk, inspirées par la légende du Golem de Prague. Ces monstres intègrent l'idée d'automates mystiques et soulignent leur lien avec la magie ancienne et la technologie dans l'univers de la franchise.

Le Golem figure souvent utilisée comme gardien ou protecteur, reprenant son rôle traditionnel.

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PHOTOS

© Tous droits réservés /  © Archives du 7e Art/Deutsche Bioscop / © Universum Film (UFA)

AFFICHES


GENERIQUE

Le Golem (Der Golem, wie er in die Welt kam), Paul Wegener

Carl Boese, 1920, Allemagne.

Son : Muet. Format d'image : 1.33

Réalisateur : Paul Wegener, Carl Boese. Durée :1h 16min, 1h 31min(version US), 1h 25min(version allemande), 1h 41min (pour la version Alpha Video DVD Etats-Unis).

Productions : Projektions-AG Union (PAGU).

Producteur : Paul Davidson.

Directeur de la photographie : Karl Freund, Guido Seeber.

Montage : NC.

Chef décorateur : Edgar G. Ulmer (non-crédité).

Direction artistiqueHans Poelzig, Kurt Richter.

Décorateur plateau : NC.

Musique : Hans Landsberger, Lukasz Poleszak, Karl-Ernst Sasse (version de 1977), Aljoscha Zimmermann (2000), Douglas M. Protsik (piano dans la version restaurée)

Costumes : Rochus Gliese.

Casting : NC.

Interprètes : Paul Wegener (Le Golem), Albert Steinrück (Le rabbin Loew), Lyda Salmonova (la fille du rabbin), Ernst Deutsch (le serviteur du rabbin), Hans Stürm (Le rabbin Jehuda), Max Kronert (le serviteur du temple), Otto Gebühr (L'empereur), Dore Paetzold Dore Paetzold (la maîtresse de l'empereur), Lothar Müthel (Le chevalier Florian), Greta Schröder (La jeune fille à la rose), Loni Nest (la pêtite fille)...

Date de sortie française : 19 Décembre 2002 (Version DVD).

Date de sortie allemande :  29 octobre 1920

Budget estimé : NC.



PLUS SUR LE GOLEM

BOUTIQUE SF-STORY

Potemkine Films propose une édition en coffret deux disques : Blu-Ray+DVD du film Le Golem (1h16'). Restauré en 2018 en 4K par la Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung, le film propose des images d'une qualité incroyable pour un film qui a plus de cent ans!

Informations sur la version présentée : comme il n'existe pas de version allemande récente du film Le Golem qui correspond à la toute première version du film, la restauration du film a été établie à partir des meilleurs négatifs images conservés par la Cinémathèque Royale de Belgique Une version américaine faite en 1921 avait été fortement raccourcie. La version présentée est la plus proche des versions existantes. La reconstruction du film a été réalisée avec l'aide du Musée George Eastman de New-York et de la Cinémathèque Française.

La plupart des intertitres originaux sont issus du Gosfilmofond, fond national d'état des archives de Russie.

La colorisation a été réalisée d'après une copie italienne de la cinémathèque privée : Fondazione Cinetaca Italiana de Milan. Pour ma part, je trouve que les colorisations sont inappropriées, la couleur changeant sur le même lieu dans la même scène, une version non colorisée aurait été préférable.

Détail de l'édition Potemkine parue le 17/09/2024 : 

- le Blu-ray du film (76'), Audio : Muet avec intertitres en allemand sous-titrés en français.

Son : DTSHD-MA 2.0,

- le DVD du film (73'),

Les versions avec trois accompagnements musicaux :

. Admir Shkurtaj & Mesimer Ensemble : musique composée pour un orchestre de chambre, jouée lors de la présentation de la restauration à Venise, puis enregistrée en studio.

. Wudec : bande-son électronique composée par l'artiste polonais

. Stephen Horne : solo de piano interprété par l'un des accompagnants de films muets les plus connus en Angleterre.

Les suppléments :

- Les légendes du Golem  : documentaire d'Arnaud Calistri, Présentation par Ada Ackerman, chercheuse au CNRS et commissaire d'expositions (2024, 20'39") de la figure du Golem avec des extraits du film. Historique du Golem, figure emblématique de la culture juive, dans les récits populaires.

- Le Golem au cinéma : documentaire d'Arnaud Calistri. Présentation de Ada Ackerman (2024, 28'25"). Passionnantes explications sur le processus créatif du film et ses influences sur le cinéma.

- Du Golem à l'homme-machine : commentaires sur les similitudes entre le thème du Golem et la cybernétique, l'ordinateur et L'IA par Michel Faucheux, historien des idées (2024, 37'22"). 

 

- Comparaison de version : Vidéo comparative entre le négatif allemand et le négatif dédié à l'export (22'15"). Comparaison sur le même écran des deux versions du film : celle destinée à l'exportation et celle du marché allemand.


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