Un homme est abandonné par son amie qui lui laisse la charge d’un enfant prématuré, fruit de leur union. Il s’enfonce dans un univers fantasmatique pour fuir cette cruelle réalité.
POINTS POSITIFS ET NEGATIFS
+ Eraserhead est devenu un film culte dans la filmographie du talentueux David Lynch.
Exploration surréaliste
L'histoire contée par Eraserhead est difficilement résumable mais si on voulait le faire succinctement on pourrait dire que c'est histoire d'Henry Spencer, un jeune père qui doit s'occuper de son enfant, un être monstrueux rejeté par sa mère Marie, au coeur d'une cité industrielle désaffectée et moribonde. Là, il se créé un monde alternatif, échappatoire et poétique, où réside un : la dame du radiateur... Petit à petit, Henry plonge dans un voyage hanté par des visions absurdes et cauchemardesques.
Le film traite de thèmes tels que la peur de la parentalité, l'isolement, et les pressions de la société industrielle. L'histoire progresse à travers des scènes visuellement dérangeantes et une bande sonore particulièrement oppressante, sans suivre une structure narrative classique, bien que résumable. Lynch dépasse la linéarité du récit pour combiner imagerie surréaliste et atmosphère angoissante. Pour lui, au-delà de l’intrigue, Eraserhead est aussi une exploration des angoisses humaines profondes, notamment face à la sexualité, la responsabilité, et l’existence elle-même, dans un terreau visuel à la fois absurde et terrifiant.
Enfantement difficile
L'ambiance générale du film a été façonné durant une période où Lynch et sa famille vivait dans un quartier difficile de Philadelphie dans lequel ils ont vécu pendant cinq ans dans une atmosphère de "violence, de haine et de saleté" comme le décrivait le réalisateur. Le quartier était en proie à la criminalité, ce qui a inspiré la sombre toile de fond urbaine du film. Décrivant cette période de sa vie, Lynch a déclaré : "J'ai vu tellement de choses à Philadelphie que je n'arrivais pas à y croire [...]. J'ai vu une femme adulte se saisir les seins et parler comme un bébé, se plaignant d'avoir mal aux mamelons. Ce genre de choses vous Un premier script intitulé Gardenback est inspiré d'une peinture de Lynch représentant une figure courbée avec de la végétation poussant dans son dos. Le scénario surréaliste ayant pour sujet un adultère, mettait en scène un insecte en croissance continue mais n'aurait donné lieu qu'à un film de 45 minutes, ce que l'American Film Institute (AFI) juge trop long pour un scénario aussi figuratif et non linéaire.
Un autre scénario est présenté, largement inspiré par la peur de la paternité de Lynch : sa fille Jennifer Lynch est née avec une déformation de ses pieds, ce qui a nécessité de nombreuses interventions chirurgicales pendant son enfance. Ses lectures, alors que Lynch est étudiant en cinéma, comme La métamorphose de Franz Kafka (1915) et la nouvelle Le nez de Nikolay Gogol (1836) ont également influencé le scénario. Le film peut être résumé comme le fera Mel Brooks par "un cauchemar des responsabilités d'un adolescent qui devient adulte."
Tournage fleuve
Le film est réalisé sur une période de cinq ans (1971-1976), de nombreux décors ayant été reconstruits après avoir été démolis pour faire place à d'autres travaux. Pendant ces cinq années, la seule exigence de l'acteur principale Jack Nance était "une pièce et une chaise", et il a gardé les mêmes cheveux frisés pendant toute la durée du tournage. Dans une scène, l'acteur ouvre une porte et le plan suivant, dans lequel il la franchit en contre-champ, a été tournée 18 mois plus tard ! Deux ans après le début du tournage, le directeur de la photographie Herbert Cardwell, âgé seulement de 35 ans, meurt dans son sommeil. Après quatre semaines de recherche, Frederick Elmes (qui sera plus tard le directeur photo de Blue Velvet et de Sailor et Lula) est choisi pour le remplacer.
En plus de la réalisation, David Lynch occupe lui-même de nombreuses fonctions sur le film : l'écriture, la production, la conception de la production, les effets spéciaux. A la sortie de son film, il est même peintre en bâtiment dans les collines d'Hollywood ! Il concluera un accord de distribution mondiale avec Fritz Dubake de Library Films au Schwabs Drugstore sur Sunset Boulevard, pendant sa pause déjeuner, dans sa salopette tâchée de peinture!
Lynch entouré de l'équipe du film
Budget serré
Le financement du projet est chaotique : Lynch, dont c'est le premier long métrage, a beaucoup de mal à obtenir une aide financière de l'AFI, car le scénario ne comporte que 21 pages : "21 pages cela ne fera qu'un film de 21 minutes" lui dira son professeur de l'AFI. Pourtant, il reçoit bien une subvention de leur part, mais après environ trois ans de production, il se retrouve à court d'argent. D'autres fonds de production sont investis par Jack Fisk, un ami d'enfance du réalisateur, de sa femme l'actrice Sissy Spacek et par Catherine E. Coulson, la femme de Jack Nance, qui travaille comme serveuse et fait don de ses revenu. Lynch lui-même livre des journaux entre les tournages. Les acteurs avaient une telle foi dans le film qu'ils ont travaillé gratuitement mais pour se faire pardonner, Lynch leur a promis un pourcentage sur tous les bénéfices futurs : depuis tous les bénéficiaires continuent de recevoir des chèques annuels !
A un moment difficile du financement, le scénariste, producteur et réalisateur Terrence Malick projette le film à un investisseurs potentiel, qui se désisté en qualifiant le film de "bullshit".
Alors que la production du film a pris plus de temps que prévu, David Lynch a dû dormir dans la pièce qui servait de chambre à Henry pendant plus d'un an.
Carrière du film mondiale...
Le film est présenté pour la première fois au festival du film Filmex à Los Angeles, le 19 mars 1977 devant 49 personnes en deux soirées. Le directeur du distributeur de Libra Films, Ben Barenholtz persuade le cinéma local (Cinema Village) de le diffuser le film en séance de minuit : ce qu'il a fait pendant un an. Sa carrière est lancée, portée par un bouche à oreille positif d'aficionados. Le film reste à l'affiche durant 99 semaines dans un cinéma de New York et pendant un an au Roxie Theater de San Francisco de 1978 à 1979, puis durant trois ans au Nuart Theatre de Los Angeles de 1978 à 1981. Sa diffusion en séance de minuit, les Midnight Movies, favorise la popularité ascendante du film.
Pourtant à sa sortie les critiques sont divisés. Certains sont fascinés par la nature expérimentale et surréaliste du film, tandis que d'autres sont déconcertés par son atmosphère étrange et son manque de structure narrative conventionnelle : "une expérience de mauvais goût écœurante" s'exprime ainsi un critique américain. Malgré cela, Eraserhead captive un public spécifique, notamment les amateurs de cinéma d’avant-garde. Devenu aujourd'hui un film culte, il reste souvent projeté dans des festivals de cinéma et continue d'être étudié pour son approche unique du cinéma, son esthétique surréaliste, et sa symbolique complexe.
... et en France
Eraserhead sera une porte d’entrée pour Lynch dans le monde du cinéma professionnel. Son style visuel et narratif très particulier a posé les bases de l'univers lynchien, influençant ses œuvres futures telles que Blue Velvet (1986) et Twin Peaks (1990).
En 2004, Eraserhead obtient une consécration en étant sélectionné par la Bibliothèque du Congrès américain pour être conservé dans le Registre national des films des États-Unis en raison de son importance culturelle, historique ou esthétique.
En France, il est sélectionné au Festival d’Avoriaz en janvier 1978 où il reçoit le prix de l'Antenne d'Or (remis par la chaine Antenne 2 de l'époque).
Pourtant, le film ne sortira que le 17 Décembre 1980, soit trois ans et demi plus tard qu'aux USA, et dans seulement deux salles et ne réalise que plus de 7000 entrées ! Quelques mois plus tard, il est à nouveau exploité, cette fois sous le titre de Labyrinth Man par le distributeur opportuniste qui surfe sur le succès d'Elephant Man sorti le 8 Avril 1981. Le film cumulera aisni 122 507 entrées en France sur ses diverses ressorties.
Kubrick influencé par Eraserhead
Alors qu'il travaillait sur Elephant Man (1980), David Lynch a rencontré le réalisateur britannique Stanley Kubrick, qui lui a révélé qu'Eraserhead (1977) était son film préféré. Il a également influencé le célèbre Shining (1980), Kubrick ayant projeté le film parmi d'autres aux acteurs et à l'équipe pour les mettre dans l'ambiance qu'il voulait donner au film.
A la sortie d'Eraserhead, les propositions sont nombreuses : le producteur Mel Brooks avait également vu le film et a proposé à Lynch de réaliser Elephant Man (1980) : Lynch a accepté. George Lucas lui a demandé de réaliser Le Retour du Jedi (1983) mais Lynch a refusé.
Le plasticien surréaliste suisse H.R. Giger, designer de l'Alien dans la saga éponyme, a cité Eraserhead comme "l'un des plus grands films qu'il ait jamais vus" mais selon lui David Lynch a refusé de collaborer avec lui sur Dune (1984) parce qu'il estimait que Giger lui avait volé ses idées.
Le mystère Spike
David Lynch est resté souvent énigmatique sur le bébé malformé, appelé affectueusement Spike par Jack Nance durant le tournage, déclarant parfois qu'il était né à proximité ou qu'il avait été trouvé ! En fait, il aurait été créé à partir du fœtus embaumé d'un veau, bien que le réalisateur ne l'ait jamais confirmé ni décrit comment il a été articulé. Pendant le tournage, lorsqu'il regardait les rushes, il a même demandé au projectionniste de se couvrir les yeux lorsque les prises avec le bébé passaient, afin que personne ne sache comment il avait été créé. Après avoir terminé le film, Lynch aurait enterré le "veau embaumé" dans un lieu tenu secret. Lors de la fête de fin de tournage, une fausse veillée funèbre aurai même été organisée.
Une seule version du film ?
Il y a un doute sur le fait qu'Eraserhead (1977) de David Lynch aurait plusieurs versions, comme c'est parfois le cas pour d'autres films. Ce film culte est resté fidèle à la vision originale de Lynch depuis sa sortie mais sur certains sites il est mentionné des acteurs au générique qui ne sont visibles que sur une potentielle version longue (acteurs que nous avons intégrés dans le générique de cette fiche). Jennifer Lynch, la fille du réalisateur aurait même participé à une scène, dans laquelle elle déterrait des pièces de dix cents du sol, mais qui n'a pas été retenue dans le montage final. Ce serait en fait après une projection test mal accueillie, au cours de laquelle David Lynch estimait avoir mixé la bande sonore à un volume trop élevé, que le réalisateur a coupé 20 minutes de séquences du film, ramenant sa durée de 109 à 89 minutes. Dans les séquences coupées, il y aurait une scène dans laquelle Catherine E. Coulson joue le rôle de la sage-femme de l'enfant, une autre dans laquelle un homme torture deux femmes - dont l'une est à nouveau jouée par Catherine E. Coulson - avec une batterie de voiture, et une autre dans laquelle Henry s'amuse avec un chat mort.
Pourtant, même si le film a connu plusieurs restaurations pour des rééditions en formats améliorés, comme les versions DVD et Blu-ray, mais ces restaurations n'ont pas modifié le contenu du film. David Lynch, connu pour son contrôle créatif strict, n'aurait pas souhaité de version alternative d'Eraserhead. Il a toujours considéré la version originale comme étant la forme finale du film. De plus, le film a été projeté dans divers festivals et événements spéciaux, mais ces projections ont toutes utilisé la même version que celle sortie en 1977.
Les rééditions en haute définition ont simplement amélioré la qualité visuelle et sonore du film sans toucher au montage ou à l'intrigue originale.
© Tous droits réservés
Eraserhead (id.), David Lynch, 1977, Etats-Unis.
Autre titre français : Labyrinth Man.
Son : Stereo (version restaurée), Mono(version originale). Format d'image : 1.85. Noir et blanc.
Réalisateur : David Lynch. Durée : 1h29.
Productions : American Film Institute (AFI), Libra Films.
Distributeur France : Potemkine Films (Version restaurée, 2017)
Producteur : David Lynch
Producteur exécutif : Fred Baker (non-crédité).
Directeur de la photographie : Herbert Cardwell, Frederick Elmes.
Montage : David Lynch.
Chef décorateur : Doreen G. Small.
Direction artistique : David Lynch.
Décorateur plateau : Doreen G. Small.
Musique : David Lynch, Alan Splet (effets sonores).
Effets spéciaux : Frederick Elmes, David Lynch.
Costumes : NC.
Casting : NC..
Interprètes : Jack Nance (Henry Spencer), Charlotte Stewart (Mary X), Allen Joseph (Mr. X), Jeanne Bates (Mme X), Judith Roberts (La belle fille de l'autre côté du couloir), Laurel Near (LA fille dans le radiateur), V. Phipps-Wilson (Landlady, dans la version longue), Jack Fisk (L'homme sur la planète), Jean Lange (La grand-mère), Thomas Coulson (le garçon), John Monez (Bum), Darwin Joston (Paul), T. Max Graham T. Max Graham (Le Patron), Hal Landon Jr. (L'Opérateur de machine à crayons), Jennifer Lynch (La petire fille), Brad Keeler (Le petit garçon), Peggy Reavey (Personne creusant dans l'allée, version longue), Doddie Keeler (L'autre personne creusant dans l'allée, version longue), Gill Dennis (L'homme au cigare), Toby Keeler (L'homme qui se bat), Jack Walsh (Mr. Roundheels).
Date de sortie française : 17 Décembre 1980.
Date de sortie US : 3 Février 1978.
Budget estimé : 100 000 $
Potemkine Films propose une édition en version restaurée 4K supervisée par David Lynch, 1 Blu-Ray avec une image claire et précise en haute définition 1920*1080, encodée MPEG4 - AVC. La présente édition propose une unique version anglaise (US) en DTS-HD Master Audio 2.0, parfaite pour bien apprécier le fond sonore caractéristique de l'oeuvre.
L'édition est quasi similaire à celle qui avait été éditée en Octobre 2017 en Digipack Blu-Ray+ DVD.
Détail de l'édition du Blu-Ray édité par Potemkine Films parue le 1/10/2024 :
- Eraserhead, le film (89'), en version audio : Anglais DTSHD-MA 2.0 mono, sous-titrages français.
- Eraserhead Stories : la genèse de la carrière de David Lynch et du film racontée par David Lynch (2001, 84’53”, VOST). Une interview avec de nombreuses photos issues du tournage : plonger dans la psychologie de ce réalisateur passionnant durant 1h30 est un pur bonheur cinématographique.
- Entretien avec Pacôme Thiellement, spécialiste de David Lynch (2017, 12’39”)
- Bande-annonce originale (1977, 0’51”)
*Le hors-champ est la partie de la scène qui n'apparaît pas dans un plan d'un film parce qu'elle n'est pas interceptée par le champ de l'optique de la caméra que ce champ soit invariable (plan fixe), ou variable (plan où la caméra effectue un mouvement (panoramique et/ou travelling) et/ou un zoom).
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